C’est l’association formée par ENGIE Fabricom et Macq, avec Tractebel comme bureau d’études, qui a remporté le concours lancé par la Ville de Namur pour l’équiper d’un Système de Transport Intelligent (STI, voir article sur la stratégie namuroise de mobilité en pages précédentes). Le but ? Améliorer l’accessibilité et favoriser la multimodalité afin de faciliter le quotidien des citoyens de la capitale wallonne et de ses visiteurs. A son lancement en septembre 2019, ce projet ambitieux et innovant devrait représenter une première wallonne, si pas belge ! Quelles sont les composantes du système et comment fonctionne-t-il, c’est ce que nous avons voulu savoir en interrogeant les différents acteurs techniques du projet.
Un tel dispositif implique, tout d’abord, l’installation de caméras ANPR (pour la lecture des plaques d’immatriculation dont le but premier est le comptage de véhicules et l’élaboration de temps de parcours), complétée par des caméras de surveillance, et de capteurs (permettant de mesurer la qualité de l’air, vérifiant la disponibilité de places de parking, …) aux endroits stratégiques dans la ville. Outre les données complémentaires fournies par des tiers (temps d’attente des bus, disponibilité des vélos partagés, …), toutes ces informations sont ensuite traitées par un système de gestion centralisé (M³, développé par l’entreprise Macq) pour enfin être diffusées aux utilisateurs en temps réel par le biais de panneaux dynamiques et d’un site web consultable sur smartphone. Ce système de transport intelligent permettra, entre autres, aux Namurois et aux visiteurs d’envisager le meilleur itinéraire, de connaître la disponibilité des parkings, d’avoir une vue précise sur les différents modes de transport disponibles et de combiner ceux-ci. Cette multimodalité diminuera le trafic en ville et limitera ainsi la pollution. }
Bien plus que de l’info trafic
« En partant de nombreuses données disponibles à la Ville de Namur (plan communal de mobilité, études de faisabilité des parkings de délestage (P+R), pré-étude de faisabilité d’un STI avec localisation stratégique de panneaux, …)
que nous avons approfondies et vérifiées sur le terrain, nous avons élaboré une stratégie de mobilité en accord avec celle de la ville de Namur mettant l’accent sur la multimodalité, c’est à-dire le choix de pouvoir prendre le mode de transport adapté et de passer d’un mode à un autre pour arriver à destination. Les panneaux ne servent en effet pas qu’à fluidifier le trafic mais aussi à conscientiser les citoyens que pour atteindre le centre de Namur, des alternatives à la voiture existent », explique Gauthier Blieck, Consultant Mobility chez Tractebel.
Depuis l’autoroute, l’usager sera guidé par une série de panneaux dynamiques et statiques judicieusement positionnés. A l’approche du centre et sur les axes pénétrants vers Namur, un réseau de caméras ANPR va permettre de calculer les temps de parcours, qui seront alors affichés sur des panneaux à messages variables en amont. L’automobiliste pourra ainsi choisir son itinéraire en fonction des conditions de trafic, adapter son itinéraire ou prendre un autre mode de transport. Notons que ces caméras ANPR pourraient également servir à mettre en œuvre d’autres stratégies, comme par exemple instaurer une zone de trafic limité (ZTL) à l’instar de ce qui se fait à Bruxelles avec la zone basse émission.
Gauthier Blieck : « Nous avons choisi le type de matériel à installer en fonction de l’endroit. Chaque localisation du matériel a résulté d’une optimisation des contraintes de mobilité, techniques, urbanistiques et physiques en concertation avec ENGIE Fabricom : les panneaux situés sur les axes vers le centre font, pour la plupart, 2 mètres de large, tandis que ceux installés en centre-ville sont plus petits (1,5 m de large) et carrés, conçus pour une bonne intégration urbanistique. Tous les panneaux sont full matrix color, ce qui permet d’y afficher « ce que l’on veut » : logos en couleurs, dessin simplifié des boulevards du centre, montrant la densité du trafic à la manière de que l’on connaît déjà sur Google map, comme c’est le cas aux Pays-Bas. On veut éviter d’afficher trop de texte sur les panneaux afin de faciliter la lecture par les automobilistes. C’est ENGIE Fabricom qui a réalisé les études d’exécution et qui assure la fourniture, l’installation (en se connectant au réseau de fibre optique existant de la SOFICO) et la maintenance du matériel sur 4 ans. ».
Matthieu Trenchant, Department Manager Infra chez Fabricom : « Notre connaissance du tracé de la fibre optique de la SOFICO et des possibilités de raccordement électrique nous a permis avec Tractebel d’optimiser l’emplacement des panneaux, pour limiter les coûts mais aussi pour éviter de devoir creuser de longues tranchées générant des nuisances pour les riverains. »
Gauthier Blieck : « Les panneaux indiqueront le temps de parcours sur l’axe, la disponibilité de places de parking tant sur les parkings de délestage que sur ceux du centre-ville, la disponibilité des vélos partagés, la congestion, les accidents et autres évènements… Le système fonctionnera la plupart du temps en mode automatique, sur base des données récoltées en temps réel. Il existe également un mode calendrier (pour les événements récurrents comme les Fêtes de Wallonie) et un mode manuel, grâce auquel un fonctionnaire communal spécialement formé pourra prendre la main en cas de situation exceptionnelle imprévue. En dehors de tout événement particulier, la multimodalité sera privilégiée. En cas d’événement (accident sur un axe …), la première ligne du panneau informera sur l’accident. La deuxième ligne affichera l’alternative proposée, et la multimodalité ne viendra alors qu’en 3e position. »
Changer les mentalités demande beaucoup de temps. Selon Gauthier Blieck, la Ville de Namur fait partie des villes en Wallonie qui font le plus d’efforts en matière de mobilité en innovant dans ce domaine. « Pour un autre projet mené à Mons, nous nous sommes notamment inspirés de ce que Namur a fait pour les bus : feux intelligents, voies réservées, bus hybrides …. D’autres villes d’une taille comparable ou plus petites nous ont fait part de leur intérêt pour ce système afin d’améliorer la qualité de vie des citoyens. Nous pourrions les accompagner dans la mise en œuvre. »
Intégrer une multitude de données issues de différentes sources
Pour Alain Dagonnier, Account Manager M3 chez Macq, qui a en charge la partie logicielle du projet, le défi consiste en l’intégration de toute une série d’informations venant d’acteurs tiers : vélos partagés disponibles (JC Decaux), temps d’attente des bus (TEC), floating car data (Google) disponibilité des taxis et des parkings, … La crédibilité du système dépend de la qualité de ces données et de leur fiabilité dans le temps. Les données récoltées par les caméras et les capteurs ne suffisent en effet pas pour couvrir toute l’offre de mobilité.
Alain Dagonnier : « En termes de volume et de dimension, je ne suis pas inquiet. Depuis plus d’un an, nous gérons avec M3 les données de la zone de basse émission de la Région bruxelloise, où le nombre de caméras est beaucoup plus important qu’à Namur. Annoncer les places de parking disponibles sur des panneaux, de nombreuses applications le font déjà. La force de M3, c’est l’intégration dans un site web de l’ensemble des alternatives de mobilité. Seule la partie gestion de trafic, réservée au gestionnaire à la Ville de Namur, dispose d’une application spécifique. Pour le public, tout s’affiche via le site web, que ce soit sur smartphone ou sur ordinateur. »
Matthieu Trenchant (Fabricom) : « Panneaux à message variable, capteurs de tous types, caméras, câblages, … le projet ne comporte rien de bien nouveau pour nous en termes de techniques. Par contre, c’est la première fois que l’on essaie de tout interconnecter dans le but de favoriser la multimodalité. On parle beaucoup de la transition énergétique mais la transition en matière de mobilité est également en marche. Couplée à la révolution numérique, elle débouche sur l’ITS 4.0, un marché d’avenir. »
Ce projet ambitieux et innovant été rendu possible grâce au support financier de la Wallonie et de l’Europe (Programmation FEDER 2014-2020) et au partenariat avec l’ensemble des acteurs de la mobilité (TEC, Perex, SPW-Direction des Routes, Police, SOFICO et l’AWaC).