Ouvrages d’art et plateformes pour le RER à Lillois
Face aux problèmes de mobilité autour de la capitale, le RER apporte une solution bienvenue. Sur la ligne 124 Charleroi-Bruxelles, un tronçon de 3,5 km entre Lillois Sud et Nivelles Nord est actuellement mis à 4 voies par la SM Jan De Nul – Galère. Au rythme des rares coupures de ligne, la réalisation des ouvrages d’art et plateformes représente un bel échantillon du savoir-faire des deux entreprises.
Ce chantier en Design & Build impressionne par son ampleur : 7 ouvrages d’art, 1 ouvrage de type saut-de-mouton (OPX), 1 ouvrage hydraulique et 3,5 km de plateforme ferroviaire asphaltée, le tout générant environ 350 000 m3 de déblais et 200 000 m3 de remblais. Face à ces travaux d’Hercule à réaliser en 1260 jours calendrier de fin 2020 à début 2024, Jan De Nul Group, attributaire du marché public publié par Infrabel, s’est finalement associée à Galère. L’union fait la force, d’autant qu’il s’agit de respecter scrupuleusement les coupures de ligne programmées (une semaine par an au printemps !). Guillaume Stoz et Didier Michielssen, chefs de projets respectivement pour Jan De Nul et Galère, détaillent le projet et en soulignent les nombreux défis techniques et organisationnels.
Guillaume Stoz : « Notre client est Infrabel, mais TUC RAIL est notre principal interlocuteur puisqu’il intervient en tant que Maître d’ouvrage délégué. Tant Galère que Jan De Nul Group ont l’expérience des techniques utilisées. Notre volonté était dès le départ de travailler en équipe sur tout le chantier. Mettre les bonnes personnes au bon endroit s’est fait en fonction de leurs compétences et leur disponibilité par rapport au phasage des différents ouvrages et de l’organisation générale du chantier. »
Didier Michielssen : « Il s’agit d’une SM 100% intégrée : nous partageons tout, les ressources comme les risques. Galère apporte à la SM son expérience des projets ferroviaires, acquise déjà sur de gros projets TGV à l’époque, avant de passer au RER avec les chantiers de Limal-Limelette, Rixensart, Genval et Waterloo. Nous connaissons bien le client et il nous connaît. Nos équipes sont rôdées à ce type de projets, tant au niveau des chefs de projet et conducteurs de chantier que des ouvriers. »
La mission consiste à élargir la plateforme ferroviaire pour la faire passer de 2 à 4 voies, mais le plus souvent aussi la voirie, pour ajouter trottoirs et/ou piste cyclable. Le tronçon à réaliser comporte non moins de 7 ouvrages d’art, se répartissant en 5 passages inférieurs (la voirie passe sous le chemin de fer) et 2 passages supérieurs. Ils sont généralement nommés en fonction du nom de la voirie concernée. Actuellement, 4 d’entre eux sont déjà réalisés en gros œuvre : réfection de l’étanchéité pour l’ouvrage « Berger », réalisation d’un passage supérieur rue de Dinant et de deux passages inférieurs respectivement pour « Rivelaine » et « Epine Pucelle ». “
Guillaume Stoz : « Dans le cas d’un passage inférieur, ce que l’on fait généralement, c’est préfabriquer un cadre devant le talus, que l’on pousse ensuite en place lors de la coupure après avoir creusé le talus et démonté les voies. Pour Rivelaine, nous manquions de place pour fabriquer le cadre complet dans la rue. Nous avons donc fabriqué sur le côté 3 éléments de cadre de 500 tonnes chacun que l’on a déplacés sur une distance de 100 m avec des SPMT, pour les amener à leur emplacement définitif. »
L’ouvrage en passage inférieur « Epine Pucelle » a également été mis en place pendant la semaine de coupure d’avril dernier. Didier Michielssen : « Il s’agit d’un ouvrage en béton d’un seul tenant pesant 2200 tonnes, réalisé sur le côté puis ripé sur une distance de 30 mètres. Le ripage consiste à utiliser le poids de l’ouvrage pour son déplacement sur des rails grâce à des vérins ayant une course d’environ 1 mètre, sans aucune butée arrière. »
L’ouvrage de la chaussée de Bruxelles, en passage supérieur, doit quant à lui être mis en place en avril 2023. Cet ouvrage, complexe par sa portée et sa position, a nécessité des études minutieuses menées par le bureau d’études de Jan De Nul. Il s’agit de réaliser le tablier de 40 m de long sur des vérins en tension 3 mètres au-dessus du pont existant, pour ensuite, en un week-end pendant la coupure, démolir ce dernier et descendre le nouveau tablier dans sa position définitive. Guillaume Stoz : « La méthode utilisée ici est particulièrement innovante. Une première pour Infrabel et sans doute aussi pour Jan De Nul, car le maître d’ouvrage souhaitait un pont intégral, donc dépourvu de joints de chaussée et d’appuis, éléments qui demandent beaucoup d’entretien au fil du temps. » Sans appuis, le tablier du pont reposera à même le sol. Le principe d’un pont intégral est de mobiliser les efforts du sol environnant pour garantir sa stabilité. “
Quant à l’ouvrage « Vert chasseur », passage inférieur programmé également pour 2023, il n’a pas demandé autant de trésors d’ingéniosité puisqu’il se présente comme une « simple » prolongation de l’ouvrage existant par coffrage-ferraillage-bétonnage. Il n’en va pas de même pour « Lossignol », un ouvrage massif à réaliser dans un espace particulièrement exigu en raison notamment de la présence de maisons proches des voies. Didier Michielssen : « La largeur du passage sous voies doit par ailleurs passer de 3 ou 4 m à 11 m pour loger 2 voies de circulation et 2 trottoirs. On doit donc fabriquer un mastodonte en béton dans un petit espace, puis le pousser pour pouvoir faire la deuxième partie du cadre. Le manque d’accessibilité du site représente un gros défi pour les fournitures d’acier, de béton, … De plus, il s’agit à nouveau d’un ripage, mais en montant. Un système de frein est prévu pour empêcher que l’ouvrage redescende. Le défi est tant organisationnel que technique : en une semaine, il va falloir démolir le pont existant, tout terrasser, pousser le pont en place et replacer les voies de chemin de fer ! »
Un ouvrage de croisement de voies, appelé saut-de-mouton ou OPX, est en construction au beau milieu d’un champ. Son rôle est de faire passer une voie au-dessus des autres, comme c’est déjà le cas avec le by-pass de Malines ou le Diabolo. Cela se traduit ici par la réalisation d’un tunnel de 130 m avec murs de soutènement en amont et en aval. Guillaume Stoz : « Cet ouvrage demande des terrassements titanesques. Nous avons ainsi déblayé plus de 200 000 m3 de terres, qui ont été transportés à l’autre bout du chantier pour réaliser un remblai contribuant à rectifier la courbe de Baulers. La construction de l’ouvrage en béton, va se poursuivre jusque fin 2023. »
La plateforme ferroviaire est le fil conducteur du chantier. Elle se compose d’un ouvrage hydraulique continu permettant de récolter les énormes quantités d’eau ruisselant sur la plateforme, d’une fondation puis d’une couche d’asphalte. Sans oublier les gaines qui serviront à TUC RAIL pour ses passages de câbles. Didier Michielssen : « Une partie non négligeable du chantier, à laquelle le maître d’ouvrage accorde beaucoup d’importance car, en fin de compte, c’est sur elle que vont rouler les trains. Nous y avons affecté du personnel très expérimenté, avec un chef d’équipe qui compte plusieurs chantiers TGV et RER à son actif. Travailler le long des voies demande de respecter les procédures, pour la sécurité des hommes et celles des usagers du train. TUC RAIL est un client exigeant mais, comme nous travaillons avec eux depuis des années, nous pouvons compter sur une connaissance mutuelle des forces et des faiblesses. »