Depuis quelques années, les producteurs et négociants en matériaux de construction accordent une importance croissante à la logistique durable et s’efforcent de réduire leur impact sur la mobilité et l’environnement en optant pour une utilisation structurelle des voies navigables belges.
En 2018, les fournisseurs du bâtiment flamand ont transporté près de 28 millions de tonnes de matériaux de construction via le vaste réseau de voies fluviales en Belgique, ce qui représente 39 % du tonnage total de marchandises acheminé par voies navigables.
Imporgrasa, l’association des importateurs de matériaux de construction en Belgique, encourage ses membres depuis plusieurs années à recourir autant que possible à la navigation intérieure pour le transport des granulats de construction.
Malgré la hausse des coûts du fret et une offre en bateaux de navigation intérieure qui s’amenuise comme peau de chagrin, le secteur continue à croire en un développement durable du transport sur l’eau.
Grâce au regain des investissements consentis par les autorités dans la modernisation et l’extension de capacité des voies navigables (rehaussement des ponts, élargissement des trajets, agrandissement des écluses), l’usage des voies navigables s’intensifie chaque année.
Il s’agit là d’une évolution positive mais hélas peu évidente, vu que les frais opérationnels sont de plus en plus influencés par divers paramètres imprévisibles, que les utilisateurs finaux doivent assumer. Ces derniers se retrouvent alors confrontés à des coûts variables généralement inattendus, et donc difficiles à digérer.
Vu le retard accumulé ces dernières décennies en matière d’entretien et l’usage croissant de ces voies navigables, nous pensons que cet effet se maintiendra au cours des prochaines années.
Entre mai et novembre 2018, nous avons été confrontés aux lourdes retombées structurelles du faible niveau des fleuves et eaux intérieures suite à la sécheresse persistante : une conséquence directe des changements climatiques. Les bateaux naviguant sur le Rhin, le Waal (rivière néerlandaise faisant partie du delta du Rhin) et la Meuse ont, par conséquent, dû renoncer à transporter de nombreuses tonnes de marchandises avec, à la clé, de fortes augmentations des prix du fret.
Pour déterminer le niveau des eaux dans le cadre de la livraison de matériaux de construction par bateau depuis l’Allemagne et les Pays-Bas, on utilise des échelles basées sur la hauteur des fleuves et rivières.
Ainsi, par exemple, la hauteur d’eau à l’échelle de Ruhrort à Duisbourg est déterminée par rapport au Rhin.
Le niveau de référence pour une navigabilité normale est de 320 cm.
Entre mai et novembre 2018 – la période la plus chargée de l’année, où l’industrie de la construction a tourné à plein régime – le niveau de référence est demeuré en continu sous la barre des 300 cm, avec des extrêmes inférieurs à 200 cm.
Ainsi, les navires d’une capacité de charge de 3 000 tonnes ne pouvaient plus transporter que 30 à 50 % de cette capacité en sable et/ou gravier à partir des embarcadères. Il fallait dès lors deux à trois navires pour acheminer la même quantité de matériaux à destination du client.
Ces tonnes laissées sur place et le manque de capacité des navires ont parfois fait grimper les coûts du fret au double de leur valeur normale.
Alors que notre association professionnelle pensait avoir tout vu en 2018, nous nous retrouvons confrontés, en 2019, à de nombreuses baisses du niveau des eaux sur diverses voies navigables néerlandaises et belges.
Mais contrairement à l’année dernière, elles ne sont pas imputables aux conditions climatiques.
En 2019, de nombreux blocages obligent les navires à effectuer des contournements et rendent même certains trajets temporairement impraticables. Ces problèmes découlent d’efforts de rattrapage concernant l’entretien des voies navigables. En effet : depuis quelques mois, les travaux liés aux écluses, les consolidations de rives, les accumulations de matériaux au fond des cours d’eau, les travaux d’entretien, les pénuries d’eau,… entraînent diverses majorations qui ne cessent d’alourdir le prix de revient du fret.
Des efforts de rattrapage supplémentaires sont à l’évidence nécessaires au niveau des canaux et des petites voies fluviales, où la navigation demeure difficile.
Nous comprenons et estimons important que les autorités continuent à investir dans la modernisation et l’entretien des voies navigables et ouvrages apparentés, tels que les écluses, ponts et rives. Ces démarches permettront de renforcer l’efficacité de la logistique durable.
Il ne faut toutefois pas sous-estimer leur impact sur les frais logistiques.
Cela étant, des mesures climatiques structurelles s’imposent : les zones de basses émissions, le péage électronique, l’interdiction des véhicules diesel d’ici quelques décennies, l’augmentation des accises sur les combustibles fossiles, la taxe CO2,… Nos autorités et les entreprises vont devoir collaborer de plus en plus étroitement pour répondre aux exigences climatiques toujours plus sévères. Face à l’augmentation des coûts et à la saturation structurelle du réseau routier, le transport par route va au-devant de pressions croissantes, d’où un regain d’intérêt pour les voies navigables.
Les consommateurs de ces matériaux sont essentiellement des fournisseurs desservant le secteur de la construction, les centrales à béton, les usines de préfabrication, les centrales d’asphalte, les entrepreneurs de construction routière, les terrassiers, les chapeurs, etc. Ce sont généralement eux les victimes des fluctuations des coûts des matériaux vu qu’ils ne peuvent pas les imputer de facto à leurs donneurs d’ordres, habituellement les autorités.
Les donneurs d’ordres et les utilisateurs finaux de matériaux de construction doivent être conscients du fait que de tels surcoûts rendent impossible le maintien de prix fixes à long terme. Tant les utilisateurs finaux que les donneurs d’ordres devront tenir compte de coûts variables pour les matériaux dans leurs contrats avec leurs fournisseurs.
Si les problèmes de navigation sont imputables à des travaux, les autorités peuvent dédommager les coûts supplémentaires y afférents.
Pour ce faire, le planning de ces travaux doit être établi compte tenu de la mise en place de mesures de soutien, afin que l’utilisateur final ne doive pas assumer les frais supplémentaires imprévus. D’après nous, l’approche la plus adéquate et efficace consiste à indemniser directement les commandants de navires, de sorte que les utilisateurs finaux ne doivent pas payer de majoration.
Au travers de notre association professionnelle, nous demandons aux autorités d’instaurer un régime de subvention à l’intention des commandants de navires, mais aussi de donner aux entrepreneurs et à leurs sous-traitants la possibilité de répercuter les surcoûts.
Ces démarches permettront en outre d’éviter le transfert d’une grande partie du transport fluvial vers le transport routier. Un tel changement modal ne correspond, en effet, pas à l’évolution souhaitée dans le cadre de la politique belgo-flamande pour l’environnement et la mobilité, d’autant plus qu’il s’inscrit en contradiction avec diverses mesures climatiques nécessaires.
Nous espérons, par le biais de cet appel, pouvoir ouvrir le débat et entamer un dialogue constructif avec les parties concernées.