Atteindrons-nous l’objectif de réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030 ? Et qu’en est-il de l’ambition d’être totalement neutre sur le plan climatique d’ici à 2050 ? Toutes ces questions ont été posées à Peter Claes, directeur de FEBELIEC, dans ‘Building a positive energy story’, la série d’interviews de gas.be. « Nous devons surtout nous assurer de ne pas perdre notre activité économique et notre prospérité dans cette histoire. Et chercher des solutions réalisables », affirme Peter Claes.
Rendre durable notre consommation énergétique demeure un énorme défi pour tous les secteurs, souligne Peter Claes. « Nous sommes à la traîne par rapport à certains autres pays européens à cet égard. Cela est bien sûr lié à notre aménagement du territoire et à nos possibilités : nous avons peu de ressources naturelles utiles à la production d’électricité. Et il n’est pas facile de développer des infrastructures pour la production des énergies renouvelables. Il suffit de penser aux protestations publiques contre les grands projets d’éoliennes terrestres ou les nouvelles lignes électriques à haute tension. » C’est la raison pour laquelle la première nécessité pour réaliser la transition énergétique est de convaincre les citoyens, poursuit Peter Claes. « Les citoyens ont une voix forte lorsqu’il s’agit de grands projets d’infrastructure, et c’est une bonne chose, mais en même temps, c’est un frein au développement. Nous devons obtenir l’adhésion des citoyens si nous voulons que la transition énergétique soit un succès. »
Il y a donc beaucoup de travail à faire, et la barre est placée très haut. Trop haut ? « Réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030 est une tâche gigantesque. Même 40 % est difficile », admet Peter Claes. Pour l’ambition de neutralité climatique d’ici à 2050, nous sommes en meilleure position : « Trois grandes technologies seront alors disponibles : les énergies renouvelables (combinées au stockage et à la transformation en hydrogène ou autres molécules), les énergies fossiles (où le CO2 libéré est valorisé ou stocké), et de l’énergie nucléaire supplémentaire : honnie par beaucoup, mais exempte de CO2. »
La sortie du nucléaire prévue en 2025, et l’incertitude qui l’entoure, ne facilite pas les choses, estime Peter Claes. « Si nous remplaçons les centrales de Doel et de Tihange par des centrales à gaz, tant les émissions de CO2 que les coûts augmenteront à nouveau. En outre, la discussion sur ces deux centrales est distincte du débat sur le rôle futur de l’énergie nucléaire. D’ici 2050, nous pouvons penser à de nouvelles centrales efficaces et sûres. Bien sûr, cela nécessite d’énormes investissements, mais c’est également vrai pour d’autres technologies. » Avant tout, FEBELIEC appelle à une perspective à long terme. « Il n’a toujours pas été décidé ce qui remplacera l’énergie nucléaire. La sécurité de l’approvisionnement ne doit en aucun cas être compromise », déclare Peter Claes.
Une chose est sûre : le coût de la transition énergétique sera énorme. Qui va payer ? L’industrie ne pourra jamais payer la totalité de la facture, estime Peter Claes. « Nos entreprises sont en concurrence avec des entreprises du monde entier. Si l’énergie devient inabordable, elles se déplaceront vers d’autres parties du monde, et cela nous coûtera de la prospérité, des emplois et de la valeur ajoutée. » Une taxe sur le CO2 pour les produits importés est une possibilité, mais là aussi, Peter Claes plaide pour la prudence. « C’est une arme à double tranchant. La Chine, par exemple, pourrait choisir de taxer encore plus nos produits. Ainsi, le commerce mondial dans son ensemble serait menacé d’effondrement. C’est donc un exercice d’équilibre délicat qui prendra du temps. » Selon Peter Claes, les gouvernements peuvent jouer un rôle de guide : « Le soutien des pouvoirs publics peut donner une première impulsion aux nouvelles technologies et infrastructures, et créer de nouvelles opportunités. »
L’énergie doit-elle devenir plus chère afin de sensibiliser les personnes et les entreprises à son coût ? Sur ce plan également, Peter Claes plaide également en faveur du réalisme : « Notre électricité est déjà 10 à 40 % plus chère que celle des pays voisins. C’est un handicap pour nos entreprises ».
Selon Peter Claes, l’industrie belge a déjà beaucoup investi dans l’écologisation de ses processus. « Les processus existants ont déjà été grandement améliorés. Mais il faut aller plus loin : nous devons nous améliorer sur le plan technologique, et donc inventer de nouvelles technologies », déclare Peter Claes. « La poursuite du développement de l’hydrogène vert, par exemple, nécessite d’énormes investissements en recherche et développement. Nous devrons certainement nous pencher sur cette question au cours des prochaines décennies. Toutes les entreprises sont demandeuses, tout comme tout le monde aspire maintenant à un vaccin contre le coronavirus. Le gaz est déjà très important pour l’industrie, et s’il est possible de produire du gaz d’une manière neutre sur le plan climatique, nous examinerons bien sûr la question », conclut le dirigeant de FEBELIEC.