Face aux problèmes de congestion et de qualité de l’air que connaît la « corbeille » namuroise, les pouvoirs locaux s’affichent depuis longtemps comme précurseurs wallons en matière de mobilité durable. En mettant prochainement en service un Système de Transport Intelligent (STI, voir article en pages 18-21), la Ville de Namur entend offrir à ses habitants et aux personnes qui se rendent à Namur un bouquet de mobilité composé de différents moyens de transport. Il s’agira d’une première wallonne, voire belge. Construire la Wallonie a rencontré Michel Jehaes et Bérénice Ruyssen, chevilles ouvrières de ce projet au niveau communal.
Dès la fin des années 90, Namur était déjà à la pointe en matière de planification de la mobilité, avec notamment l’un des tout premiers Plans Communaux de Mobilité de Wallonie, mais aussi un plan de stationnement et des boucles de circulation dans le centre-ville. Michel Jehaes, chef de département, Département des Voies publiques à la Ville de Namur : « Nous nous sommes alors rendu compte que planifier la mobilité ne suffisait pas, qu’il fallait aussi travailler avec l’aménagement du territoire pour intégrer les charges de mobilité résultant du développement urbanistique. Les infrastructures ont un gabarit limité. Il faut donc davantage partager l’espace. D’où la nécessité de mieux informer les usagers. » Parallèlement s’est développée, sous l’impulsion du bourgmestre Maxime Prévot, la volonté de faire de Namur une Smart City. L’appel à projets FEDER (Programmation 2014-2020) fut l’élément déclencheur. Nous avons introduit un projet de STI, à l’époque encore assez général. Puis nous avons visité des villes comme Lyon et Gand, qui possédaient déjà des outils similaires. »
Multimodalité et maîtrise publique
Michel Jehaes : « Nous voulions cependant aller plus loin que du simple routier connecté, en proposant une approche multimodale. L’autre caractéristique fondamentale de notre projet est le fait que les données de base soient maîtrisées par les pouvoirs publics et rendues publiques. C’est ce qui nous a orientés vers le choix de caméras ANPR plutôt que vers des données venant de tiers. De plus, plutôt que de créer nous-mêmes une application intégrant ces données, nous avons préféré mettre l’information en open data, afin que des opérateurs dont c’est le métier puissent s’en servir. Cela nous permet aussi de ne pas entrer dans une exclusivité avec l’un ou l’autre grand opérateur. Même la start-up, voire le petit indépendant, pourra exploiter ces données. Ce qui est réalisé dans le cadre du projet de STI, c’est un site web donnant les informations sur base d’une carte de Namur, et non un planificateur de parcours. »
Des infrastructures pour une autre mobilité
Bien entendu, pour qu’un Système de Transport Intelligent prônant la multimodalité puisse fonctionner, il doit être accompagné d’infrastructures offrant des alternatives crédibles aux déplacements automobiles : parkings P+R situés sur les grands axes menant à la corbeille, réseau de bus performant, offre de véhicules partagés (vélos et voitures), … Sur ce plan, Namur poursuit inlassablement le travail déjà bien entamé. Le P+R Saint-Nicolas, le seul du genre actuellement, sera bientôt rejoint par plusieurs autres, stratégiquement implantés en entrées de ville, à proximité des sorties d’autoroute ou d’autres axes majeurs. Le P+R de Bouge est le plus avancé. Un autre devrait ensuite voir le jour à Erpent. On parle également de Belgrade et de Salzinnes, mais dans un second temps. Ces P+R permettront d’y laisser sa voiture pour rejoindre le centre-ville avec un autre moyen de transport, dont le bus.
Bérénice Ruyssen, chargée de projet STI au Département des Voies publiques de la Ville de Namur : « Sur la Chaussée de Louvain reliant le P+R de Bouge au centre-ville, le bus roulera en site propre. Un permis existe en effet pour créer une voie centrale réservée aux bus, qui se la partageront dans le sens montant ou descendant suivant les heures de la journée. Et cela sans réduire la capacité pour les voitures. »
En centre-ville, la Ville de Namur crée ces dernières années de nombreux parkings en ouvrage. Au Grognon, place du palais de Justice, sur le site des Casernes, … autant de futurs nouveaux parkings aménagés en sous-sol permettant la création d’espaces publics de qualité en surface.
Le vélo n’est pas oublié. Bérénice Ruyssen, cycliste au quotidien : « Nous travaillons notamment à la voie verte urbaine qui reliera la gare de Namur à la gare de Jambes. Namur est à la jonction de 3 RAVeL et cette voie verte va permettre de les interconnecter. La nouvelle passerelle franchissant la Meuse va relier les quartiers calmes de Jambes au centre-ville de Namur via le Grognon. Tout le centre-ville est en zone 30 depuis des années, ce qui permet de rouler à vélo en toute confiance sans forcément toujours être sur une piste cyclable en site propre. Namur fut également la première ville wallonne à proposer des vélos en libre-service. Li Bia Vélo compte 240 vélos disponibles utilisables de et vers 26 stations réparties dans toute la corbeille et même au-delà. »
STI : partage, information et évolutivité
A Namur, on ne partage pas que les vélos ou les autos (avec Cambio). Dans un centre-ville où l’espace est limité, il est également beaucoup question de mutualisation des espaces de stationnement en voirie. Bénédicte Ruyssen : « Les places à équiper de capteurs de parking restent à définir. Cela pourrait être un outil pour mieux faire fonctionner des emplacements spécifiques : emplacements PMR, places réservées aux livraisons jusqu’à 11 h, emplacements bloqués pour travaux ou déménagement, … Ici aussi, le STI pourra informer les usagers en temps réel. »
Outre l’information communiquée aux usagers, via des panneaux dynamiques et un site web (voir article en pages 18-21), le STI sera également très utile dès son lancement pour les gestionnaires namurois de la mobilité, qui reconnaissent manquer d’informations de terrain, indispensables pour améliorer leurs stratégies.
Pour voir le STI à l’œuvre, il faudra patienter jusqu’à son lancement, prévu en septembre 2019. Il devrait permettre aux Namurois de mieux respirer, au propre comme au figuré. Greenpeace a en effet récemment épinglé Namur parmi les villes dans lesquelles a été mesurée le plus haut taux de dioxyde d’azote, et ce malgré une flotte de bus hybrides roulant en mode électrique au centre-ville depuis un an. La qualité de l’air sera d’ailleurs aussi suivie grâce à des capteurs et rendue publique via le STI. Mais, d’ores et déjà, le projet a été couronné par le SPW, qui lui a décerné le prix du marché public le plus innovant.
Michel Jehaes voit déjà plus loin : « Dans le prolongement du STI, on va pouvoir connecter toutes ces informations avec les besoins des usagers. La notion de STI est en train de faire place à la notion de services de mobilité connectée. L’idée est de ne plus posséder personnellement de véhicule mais d’avoir accès au moyen de transport chaque fois le mieux adapté à la situation, via une simple carte à puce. Nous nous inscrivons dès maintenant dans cette évolution. »