Archimétissage

Lorsqu’on m’a proposé de partager cette carte blanche, nous inaugurions un magnifique bâtiment à Bruxelles, dans un ensemble architectural classé. Ce projet représente l’un de ces moments privilégiés dans une carrière d’architecte : une entreprise bien menée et surtout un client exemplaire, à la fois compréhensif et sensible. Nous étions deux entités mandatées pour ce projet : notre bureau en tant qu’architecte et le bureau de Lionel Jadot pour l’aspect architectural d’intérieur. Le programme comprenait la restauration du bâtiment ainsi qu’une intervention majeure pour l’installation d’une piscine couverte.

Le soir de l’inauguration, lors d’une petite exposition dans le bâtiment fraîchement sorti du chantier, je me suis promené parmi le public avec un véritable plaisir et un émerveillement sincère en observant l’enthousiasme des gens pour notre travail, mais également pour la vision de notre partenaire en termes d’architecture d’intérieur. La satisfaction que j’ai ressentie était véritablement liée à la synergie entre les deux bureaux. L’architecture était plurielle, elle n’émanait pas que d’une seule vision et combinait harmonieusement des univers différents. Mon associé, Marc Gossé, aurait parlé d’ « archimétissage ».

Avec du recul, je réalise que nous avons participé à de nombreuses collaborations.
À chaque fois, j’ai ressenti une grande satisfaction. Les résultats ont souvent été riches, mêlant surprises et convictions. Nous avons peut-être eu la chance de collaborer avec d’excellents architectes ou architectes d’intérieur, mais ce qui me semble le plus enrichissant et intéressant, c’est la profondeur que cela apporte au projet à travers la diversité des idées.

La collaboration implique une répartition des tâches entre des bureaux qui travaillent sans chercher à tirer la couverture de leur côté, tout en évitant de rejeter systématiquement la faute ou les problèmes sur l’autre. Il est essentiel également que les deux parties maîtrisent leur domaine et assurent un suivi rigoureux du chantier vis-à-vis du client. Dans tous les cas, ici chacun a assuré lui-même le suivi de sa part de chantier.

Du point de vue financier, la base de calcul des honoraires est peut-être légèrement inférieure, mais elle peut légitimement être établie sur un pourcentage plus élevé en raison du travail supplémentaire de coordination. Nous estimons qu’environ 10 à 15% de travail complémentaire est nécessaire pour assurer une coordination efficace.

Parmi nos nombreuses collaborations, nous avons eu le privilège de travailler avec des architectes renommés tels que Charles Kaizin pour l’aile courbe du Grand Hornu, Lionel Jadot et Francis Metzger pour plusieurs projets de cohabitation, Cooparch pour l’Espace Magh, Lescaut avec Olivier Bastin pour la Chapelle Musicale Reine Élisabeth et Lionel Jadot encore pour le projet de cette maison et de cette piscine. Actuellement, nous collaborons avec le bureau Snøhetta pour un projet de bâtiment privé.

De fait, l’architecture n’est jamais une œuvre totalement personnelle ; elle est toujours le fruit de collaborations et le résultat d’un consensus social et culturel complexe, ce qui lui confère une richesse incomparable. Un bon projet nécessite toujours un bon client, un bon entrepreneur, une administration compétente et un bon architecte évidemment. Fondamentalement, nous exerçons un métier collaboratif.

Sébastien Cruyt
Ingénieur Civil Architecte 
Administrateur de SI